Histoire d'O est un roman français signé par Pauline Réage (pseudonyme de Dominique Aury, née Anne Desclos) publié en 1954 chez l'éditeur Jean-Jacques Pauvert.
Une lettre d'amour
Ce livre est souvent compris par le public comme une sorte de confession ou
encore une forme de prosélytisme pour les pratiques sado-masochistes. Il est tout sauf cela. Histoire d'O est un livre érotique et pornographique : il est même d'une crudité assez rare dans ce
registre.
Depuis des années, le bruit courait que Dominique Aury, secrétaire de la Nouvelle Revue française, intellectuelle de haut-vol, ayant tutoyé Borges ou traduit et fait découvrir Fitzgerald, était l'auteur d'Histoire d'O. Peu à peu ça n'a plus été qu'un secret de polichinelle et en 1994, Dominique Aury, âgée de quatre-vingt-six ans, s'est entretenue à ce sujet avec le New Yorker et a expliqué la genèse du récit : amoureuse de Jean Paulhan, elle voulait lui écrire une lettre d'amour en forme de roman : « Je n'étais pas jeune, je n'étais pas jolie. Il me fallait trouver d'autres armes. Le physique n'était pas tout. Les armes étaient aussi dans l'esprit. « Je suis sûr que tu ne peux pas faire ce genre de livres », m'avait-il dit. Eh bien, je peux essayer, ai-je répondu. ». Pauline Réage expliquera aussi s'être avant tout inspirée de fantasmes (non sexuels) qu'elle avait eus enfant.
Commentant le comportement de son héroïne dans Histoire d'O, Pauline Réage dira simplement : « C'est une destruction dans la joie ».
L'ouvrage paraîtra avec une préface de Paulhan, visiblement émerveillé du cadeau : « Enfin une femme qui avoue ! Qui avoue quoi ? Ce dont les femmes se sont de tout temps défendues (mais jamais plus qu'aujourd'hui). Ce que les hommes de tout temps leur reprochaient : qu'elles ne cessent pas d'obéir à leur sang ; que tout est sexe en elles, et jusqu'à l'esprit. Qu'il faudrait sans cesse les nourrir, sans cesse les laver et les farder, sans cesse les battre. Qu'elles ont simplement besoin d'un bon maître, et qui se défie de sa bonté... »
C'est d'ailleurs Paulhan qui avait insisté pour que ce roman, écrit pour lui seul à l'origine, soit publié.
L'ouvrage paraîtra avec une préface de Paulhan, visiblement émerveillé du cadeau :
« Enfin une femme qui avoue ! Qui avoue quoi ? Ce dont les femmes se sont de tout temps défendues (mais jamais plus qu'aujourd'hui). Ce que les hommes de tout temps leur reprochaient :
qu'elles ne cessent pas d'obéir à leur sang ; que tout est sexe en elles, et jusqu'à l'esprit. Qu'il faudrait sans cesse les nourrir, sans cesse les laver et les farder, sans cesse les battre.
Qu'elles ont simplement besoin d'un bon maître, et qui se défie de sa bonté... »
C'est d'ailleurs Paulhan qui avait insisté pour que ce roman, écrit pour lui seul à l'origine, soit publié.
Ce que raconte Histoire d'O
L'Histoire d'O est simple : une jeune femme libre et indépendante (libre sexuellement aussi, pour les années 1950) est emmenée par son amant dans un château, situé à Roissy, où l'on « dresse »
les femmes. Elle y devient esclave, de son plein gré. Elle y souffre (elle doit s'accoutumer au fouet) et n'y connaît au fond que peu de plaisirs si ce n'est celui d'appartenir à quelqu'un. C'est
dans le donjon de Samois qu'elle est marquée au fer rouge et son sexe percé d'anneaux sur lesquels sont gravées les initiales de son maître.
Le roman comporte une part de réalisme oublié aujourd'hui, puisqu'à Roissy on pratique un enfermement qui était celui imposé aux pensionnaires des maisons closes en 1946 à la suite des campagnes de Marthe Richard.
Pris au premier degré et compris avec une grille de lecture des années 2000 (aujourd'hui le sado-masochisme est un type de pratiques sexuelles institutionnalisé), il ne s'agit que d'un roman érotique, mais Histoire d'O est aussi un cri, celui d'une personne qui veut appartenir à une autre. Si la référence au sado-masochisme est donc bien présente, ce n'est pas aux pratiques visant à pimenter la vie d'un couple, mais à celles qui sont une quête d'absolu, le don de soi. Son écriture, froide et concise, en fait un objet d'autant plus fascinant.
D'une édition discrète au succès public
Un contrat avait été passé avec les Éditions des
deux rives, mais à la suite des remous provoqués par l'édition du livre Le trafic des piastres de Jacques Despuech en 1953, cet éditeur a préféré se dessaisir des droits.
Histoire d'O fut donc publié à 600 exemplaires par Jean-Jacques Pauvert, alors âgé de 27 ans, en juin 1954, presque au même moment que le roman Bonjour tristesse de Françoise Sagan. L'attribution du prix des Deux-Magots a entraîné le succès public, mais aussi de multiples interdictions (de vendre aux mineurs, d'afficher, et de faire de la publicité) et poursuites pour outrage aux bonnes mœurs. Au final, le procès n'eut jamais lieu. Aujourd'hui, ce livre a été diffusé à 900 000 exemplaires.
L'ouvrage avait été examiné par le comité de lecture des éditions Gallimard. Mais Gaston Gallimard aurait été incité à refuser sa publication par Jean Dutourd, qui aurait jugé inacceptable l'édition d'un récit considéré comme pornographique.
Le scandale lié à Histoire d'O s'est doublé du mystère entretenu sur l'identité de l'auteur, sur laquelle de multiples hypothèses ont été avancées, attribuant l'ouvrage à divers romanciers hommes ou femmes.
Concernant la polémique sur l'auteur d'Histoire d'O, Jean Paulhan répondait par avance dans la préface en écrivant : « Que vous soyez femme, je n'en doute guère. (...) C'est qu'O, le jour où René l'abandonne à de nouveaux supplices, garde assez de présence d'esprit pour observer que les pantoufles de son amant sont râpées (...) ».
Masques
Le prénom Pauline est un hommage à Pauline Roland et à Pauline Borghese. Le nom «
O » était pour « Odile », et est finalement restée une initiale afin d'épargner une autre Odile, amie de l'auteur. Ce nom de « O » a pu être vu comme la désignation d'un « objet » ou le symbole
d'un « orifice ». En fait, il semble que la lettre n'ait pas de signification symbolique particulière, c'est du moins ce qu'a affirmé l'auteur.
Après la sortie du livre, beaucoup de grands écrivains ont réagi : François Mauriac le trouve à vomir. Georges Bataille et Graham Greene se montrent au contraire admiratifs. Le livre reçoit le prix des Deux-Magots en 1955.
Les spéculations sur l'identité réelle de l'auteur vont bon train : on propose Paulhan lui-même, Henry de Montherlant, André Malraux ou André Pieyre de Mandiargues.
Suite et traduction
Il paraît vraisemblable que la traduction en anglais, Story of O, ait été faite par Dominique Aury elle-même.
Il existe une suite, , qui semble être la fin du roman, disjointe au dernier moment. Le ton de cet ouvrage est différent d'Histoire d'O. Par exemple, l'héroïne s'inquiète des moyens contraceptifs employés, et le récit se termine sur un fait divers, ce qui altère le climat irréel du roman.
À noter enfin, l'existence, toujours chez l'éditeur Pauvert, d'une série d'interviews de Pauline Réage par Régine Deforges, publiée sous le titre O m'a dit en 1975.
Adaptations
Le cinéaste Henri-Georges Clouzot eut le projet, pendant de nombreuses années,
d'adapter le roman, mais n'y parvint pas.[réf. nécessaire]
Just Jaeckin (auteur d'Emmanuelle) a réalisé en 1975, Histoire d'O avec Corinne Cléry, (actrice française qui fut par la suite James Bond girl dans Moonraker mais dont le reste de la carrière
s'est déroulée en Italie), dans le rôle d'O. Le réalisateur feint de ne pas avoir compris le livre et offre au spectateur un divertissement érotique qui se situe bien loin du roman dont il est
censé être l'adaptation. La violence présente dans le livre, autant des sentiments que des actes, y est singulièrement édulcorée.
Guido Crepax a adapté Histoire d'O en bande dessinée.
Doris Kloster, photographe, a réalisé un album illustrant Histoire d'O, aux Éditions de La Musardine.
Le film de Manderlay est inspiré de la préface de Jean Paulhan à Histoire d'O
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