Emmanuelle

Emmanuelle. Ce seul prénom évoque pour le commun des mortels une kyrielle apparament sans fin de films softcore plus ou moins ringards ainsi qu’une chanson de Pierre Bachelet dont la mélodie insidieuse a le pouvoir de faire fondre la cervelle de l’auditeur le plus coriace. Mais avant de devenir un divertissement de fin de soirée pour prépubère en quête de sensations fortes, Emmanuelle fut un ouvrage à scandale et probablement l’œuvre érotique la plus connue du domaine français. Publié en deux parties par Éric Losfeld en 1959 (La leçon d’homme) et en 1960  (L’Anti-Vierge), l’ouvrage s’attira immédiatement les foudres des censeurs et ne connut une édition officielle et légale que neuf ans plus tard, juste à temps pour le grand débraguettage de Mai 68.

De son vrai nom Marayat Rollet-Andriane, Emmanuelle Arsan raconte dans La leçon d’homme et l’Anti-vierge la libération sexuelle d’une jeune Française allant rejoindre son mari à Bankok. Elle est guidée dans ce périple érotique par un « maître à aimer » prénommé Mario qui l’initie à sa philosophie toute particulière, qui s’apparente grandement à l’anarchisme individualiste français de la Belle Époque. Ainsi, pour ledit Mario, la sexualité est une pulsion vitale et sa répression sociale empêche l’expression de la nature profonde de l’individu. Elle est donc néfaste et est la principale, si ce n’est la seule source des comportements malsains et déviants. Emmanuelle critique ainsi l’ensemble des institutions sociales, étatiques et religieuses qui encadrent la libre expression de la sexualité humaine, en premier chef le mariage et la famille patriarcale, ainsi que la censure et l’interdiction légale des comportements sexuels ne menant pas à la procréation. On y trouve également une critique de l’hypocrisie de la morale bourgeoise, qui offre le double visage d’un discours public hystériquement puritain et de pratiques privées débauchées.

Bien plus qu’un roman érotique, Emmanuelle est une utopie, un projet social où l’individu souverain se libère de ses chaînes grâce à la sexualité. Cette utopie est toutefois bien plus étroite que celle des anars, car l’héroïne évite ou ignore les pouvoirs, les conflits politiques ou sociaux : elle a affaire à des égaux dans ses relations amoureuses et peut ainsi afficher une liberté contestatrice forte sans trop de conséquences désagréables. Il s’agit donc d’une utopie réservée aux gens bien nés, le cadre exotique du roman cachant bien mal le mépris colonial qu’entretiennent les individus libérés – occidentaux, blancs et bien nantis – envers les boys et les larbins siamois qui les entourent.

Après le naufrage général des utopies, il reste de ce roman une plume habile, à l’enthousiasme contagieux, qui donne après lecture envie d’embrasser la vie et surtout son prochain, quelque soit son sexe.

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